Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/291

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propre frère, il s’accusait à haute voix, sans, du reste, rien préciser, et répétait continuellement à Nina Alexandrovna que « c’était lui, lui-même la cause, et personne que lui… il avait fait cela seulement par une agréable curiosité… le défunt (Lébédeff s’obstinait, nous ne savons pourquoi, à enterrer prématurément le général), le défunt était un homme d’un vrai génie ! » Il insistait avec un sérieux particulier sur le génie d’Ardalion Alexandrovitch, comme si, dans le cas présent, cela pouvait être d’une utilité extraordinaire. Voyant les larmes sincères de l’employé, Nina Alexandrovna finit par lui dire avec une douceur exempte de toute amertume : « Allons, que Dieu vous assiste ! Allons, ne pleurez pas, allons, que Dieu vous pardonne ! » Ces paroles et le ton dont elles furent prononcées firent un tel effet sur Lébédeff que, de toute la soirée, il ne voulut pas quitter Nina Alexandrovna (durant tous les jours suivants, jusqu’à la mort du général, il resta, presque du matin au soir, en permanence chez Ptitzine). Pendant la journée, Élisabeth Prokofievna envoya deux fois demander des nouvelles d’Ardalion Alexandrovitch. Le soir, à neuf heures, quand le prince entra dans le salon des Épantchine, déjà rempli de visiteurs, la maîtresse de la maison s’empressa de le questionner sur l’état du malade, elle l’interrogea longuement et avec intérêt. La princesse Biélokonsky ayant témoigné le désir de savoir qui étaient « ce malade et cette Nina Alexandrovna » dont on parlait, la générale répondit à cette question d’un ton plein de gravité, ce qui plut beaucoup au prince. À ce que dirent plus tard les sœurs d’Aglaé, lui-même, en s’entretenant avec Élisabeth Prokofievna, parla « à merveille, modestement, mais avec dignité, sans bruit, sans phrases inutiles, sans gestes ; il se présenta très-bien ; sa mise ne laissait rien à désirer », et non-seulement il ne fit point de « chute sur le parquet ciré », comme il l’avait craint la veille, mais l’impression qu’il produisit sur tout le monde fut visiblement à son avantage.

De son côté, après s’être assis et avoir promené ses yeux autour de lui, il s’aperçut immédiatement que toute cette