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Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/53

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plus noble que tous, meilleur que tous, plus intelligent que tous ! Ici il n’y a que des gens indignes de ramasser le mouchoir que vous venez de laisser tomber… Pourquoi donc vous humiliez-vous et vous mettez-vous au-dessous de tous ? Pourquoi avez-vous tout détruit en vous, pourquoi n’avez-vous pas d’orgueil ?

— Seigneur, pouvait-on s’attendre à cela ? fit Élisabeth Prokofievna en frappant ses mains l’une contre l’autre.

— Le chevalier pauvre ! Hurrah ! cria Kolia enthousiasmé.

— Taisez-vous !… Comment ose-t-on m’offenser ici dans votre maison ? dit violemment à sa mère Aglaé qui était déjà dans cet état hystérique où l’on ne calcule plus la portée de ses paroles. — Pourquoi tous, tous jusqu’au dernier me persécutent-ils ? Pourquoi depuis trois jours, prince, tous ne cessent-ils de me faire la guerre à votre sujet ? Pour rien au monde je ne vous épouserai ! Sachez qu’à aucun prix je ne deviendrai votre femme ! Sachez cela ! Est-ce qu’on peut épouser un homme aussi ridicule que vous ? Regardez-vous maintenant dans une glace et voyez comme vous êtes en ce moment !… Pourquoi, pourquoi me taquine-t-on en me répétant sans relâche que je vais vous épouser ? Vous devez le savoir ? Vous êtes d’intelligence avec eux !

— Personne ne l’a jamais taquinée ! murmura Adélaïde inquiète.

— On n’y a jamais pensé, personne n’a parlé de cela ! s’écria Alexandra Ivanovna.

— Qui est-ce qui l’a taquinée ? Quand l’a-t-on taquinée ? Qui a pu lui dire cela ? Est-ce qu’elle a le délire ? demanda en s’adressant à tout le monde Élisabeth Prokofievna tremblante de colère.

— Tous l’ont dit, tous jusqu’au dernier ne cessent de me corner cela aux oreilles depuis trois jours ! Jamais, jamais je ne me marierai avec lui !

Après avoir proféré cette exclamation, Aglaé fondit en larmes. Elle cacha son visage avec son mouchoir et se laissa tomber sur une chaise.