Page:Dostoïevski - Le Bouffon (paru dans l'Almanach illustré), 1848.djvu/17

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— Mais oui… en effet… c’est une démission.

— Mais je ne l’ai jamais demandée.

— Comment ! mais vous l’avez pourtant signée du premier avril !

Imbécile ! je lui avais laissé le papier.

— Théodose Nikolaievitch ! est-ce bien vous que mes yeux regardent en ce moment ?

— Moi ? parfaitement ! et puis après ? Je regrette beaucoup, Monsieur, que le désir vous soit venu d’abandonner si vite le service. Un jeune homme devrait vouloir servir, mais vous, Monsieur, votre cerveau est ouvert à tous les vents. Soyez rassuré en ce qui concerne le certificat. Je vous en ferai un bon : vous avez fait tout ce qu’il faut pour le mériter.

— Mais, c’est là une plaisanterie, Théodose Nikolaievitch, et si je vous ai donné ce papier, c’était par jeu, pour vous faire rire.

— Ah ! c’était une plaisanterie ? Et depuis quand peut-on plaisanter avec les choses du service ? Sachez, Monsieur, que des plaisanteries pareilles vous mèneront un de ces jours en Sibérie. En attendant, au revoir, Monsieur. Je n’ai plus le temps de causer avec vous : l’inspecteur est arrivé, les devoirs du service avant tout ; et, si vous aimez à faire des plaisanteries, moi, j’ai des affaires sérieuses. Je vous le répète, vous pouvez compter sur un bon certificat… Ah ! il faut que j’ajoute que je viens d’acheter une maison. Nous allons l’aménager un de ces jours, et je compte bien ne pas vous voir à la pendaison de la crémaillère. Bon voyage, Monsieur !

Je courus chez moi. J’arrivai près de ma grand’mère en criant : « Nous sommes perdus ! grand’mère. » Elle se mit à hurler, sans savoir, et, dans le même temps, nous voyons le serviteur de Théodose Nikolaievitch qui arrive, porteur d’une cage où sautillait un étourneau : c’était moi qui en avais fait cadeau à ma fiancée. On me renvoyait le tout avec ce billet : Poisson d’avril.

— Qu’y a-t-il eu par la suite ?