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Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/130

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« S’il n’en était rien ! pensait-il. Une affaire aussi louche, c’est incroyable. D’abord, c’est une blague, ensuite c’est impossible. J’ai dû rêver… ou c’est autre chose… ou c’est bien moi qui suis allé dans le cabinet du directeur… C’est moi qui me suis pris pour un autre. Enfin c’est une histoire tout à fait impossible. »

Ainsi décida M. Goliadkine. Tout à coup M. Goliadkine cadet bondit dans la pièce, des papiers dans les mains et sous le bras. Il dit deux mots en passant à André Philippovitch, cause avec l’un, parle familièrement avec l’autre. Évidemment M. Goliadkine cadet n’a pas de temps à perdre. Il semble se préparer à sortir, mais par bonheur pour M. Goliadkine aîné, il s’arrête à la porte et se met à causer en passant à deux ou trois jeunes fonctionnaires qui se trouvaient là. M. Goliadkine cadet aperçoit le geste de M. Goliadkine aîné. Aussitôt il regarde autour de lui avec inquiétude et cherche à disparaître. Mais M. Goliadkine tient déjà par la manche son hôte de la veille. Les employés qui les entourent s’écartent et attendent avec curiosité. Goliadkine aîné sait bien que l’opinion publique n’est plus avec lui. Il sent bien qu’on intrigue contre lui. C’est une raison de plus pour se montrer ; le moment est décisif.

— Eh bien ? fit M. Goliadkine cadet, regardant assez hardiment M. Goliadkine aîné qui respirait à peine.