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Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/167

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foule aux pieds ses ambitions et s’empare de sa place dans le service et dans le monde. Tantôt la tête lui démangeait d’une chiquenaude, humblement acceptée, qu’il venait de recevoir en public, ou dans l’exercice même de ses fonctions, une de ces chiquenaudes contre lesquelles il est difficile de protester…

M. Goliadkine se creusait la tête à chercher pour quelle raison il peut être difficile de protester contre une chiquenaude, insensiblement il arrivait à penser que ce ne pouvait être que par lâcheté. Il y avait là sûrement une petite lâcheté… ou une grande… Une lâcheté dont il avait été témoin… qu’on lui avait racontée ? Non c’est lui-même qui l’avait commise, qui vient de la commettre… Mais ce n’était ni lâcheté, ni instinct déshonnête… C’était arrivé tout simplement par hasard, une fois par délicatesse, une autre fois parce qu’il était complètement sans défense, une autre fois parce que… parce que…

Ah ! M. Goliadkine savait bien pourquoi ! Alors M. Goliadkine rougissait dans son sommeil. Il ne veut pas rougir. Il murmure, il saura montrer de la fermeté de caractère, une grande fermeté de caractère. Mais à quoi bon la fermeté de caractère ! Il est trop tard pour montrer du cœur… Mais quelle rage et quel énervement ! Qu’on l’appelât ou non, surgissait le personnage à l’âme monstrueuse, qui, malgré