Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/44

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très jeunes gens encore, par l’âge et par la situation. Il n’était ni bien ni mal avec eux, ni ami, ni ennemi. Des deux côtés on respectait les convenances, mais cela n’allait pas, et ne pouvait aller plus loin. Cette rencontre fut excessivement désagréable à M. Goliadkine. Il fronça légèrement les sourcils et resta un instant confus.

— Iakov Pétrovitch ! Iakov Pétrovitch ! s’écrièrent les deux scribes, par quel hasard ?

— Oh ! c’est vous, messieurs, interrompit vivement M. Goliadkine, un peu gêné et scandalisé par l’étonnement de ses collègues, et aussi par leur familiarité. Mais jouant l’homme à son aise :

— Vous avez déserté, messieurs ? Hé… Hé… Hé… !…

M. Goliadkine ne voulait pas qu’on lui manquât, ni paraître trop familier avec ces jeunes gens de l’administration, qu’il devait tenir à une certaine distance. Il tenta de frapper sur l’épaule de l’un d’eux, mais la familiarité ne réussit pas à M. Goliadkine, il rate le geste convenable et rapide, il s’embrouille :

— Eh quoi ! notre ours est toujours là-bas ?

— Qui cela Iakov Pétrovitch ?

— Eh bien l’ours, comme si vous ne saviez pas qui on appelle l’ours…

M. Goliadkine rit et se retourna vers le garçon pour prendre sa monnaie…