saute, hâtant lui-même l’instant de sa perte. M. Goliadkine savait, sentait, était absolument convaincu qu’un nouveau malheur l’attendait et que, par exemple, il allait rencontrer l’inconnu. Mais le plus étrange est qu’il désirait presque cette rencontre. Il la considérait comme inévitable. Il eût voulu en finir au plus vite, que sa situation se résolût n’importe comment, mais le plus tôt possible. En même temps il courait, il courait toujours, comme poussé par une force étrangère. Il sentait son être s’affaiblir et s’engourdir. Il ne pouvait penser à rien, bien que ses idées s’accrochassent partout, comme des ronces. Un petit chien perdu, trempé et tremblant, suivait M. Goliadkine, courait à côté de lui, la queue entre les jambes et les oreilles rabattues. De temps en temps, il le regardait d’un œil timide et intelligent. Une idée lointaine depuis longtemps oubliée, le souvenir d’un événement ancien était maintenant dans la tête de M. Goliadkine, lui frappait la cervelle comme un marteau, l’agaçait, ne voulait pas se détacher.
« Eh ! c’est un petit chien », murmura M. Goliadkine sans donner de sens à ses paroles. Enfin, au tournant de la rue d’Italie, il aperçut son inconnu. Seulement l’inconnu n’allait plus à sa rencontre, mais suivait le même chemin et courait quelques pas en avant.
Le voici, dans la rue Schestilavotchnaïa.