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le joueur

j’allasse tout de suite chez Mlle Blanche, la supplier de revenir auprès de lui et de l’épouser.

— Voyons, général, Mlle Blanche ne se soucie pas de moi. Que puis-je pour vous auprès d’elle ?

Mais rien n’y fit. Il ne m’entendait même pas.

En pleurant presque, il me conta que Mlle Blanche refusait de l’épouser parce qu’elle était convaincue qu’il n’hériterait pas de la babouschka. Il semblait croire que tout cela était nouveau pour moi. Je fis une allusion à de Grillet ; mais il me répondit, avec un geste désespéré :

— Parti ! Je lui ai engagé tous mes biens ! Cet argent que vous avez apporté… combien reste-t-il ? Sept cents francs, je crois… C’est tout ce que je possède…

— Et comment réglerez-vous votre note d’hôtel ? Et puis… après, que ferez-vous ?

Il me considéra d’un air absorbé. Il ne m’avait pas compris. J’essayai de lui parler de Paulina et des enfants. Il répondit vivement :

— Oui, oui…

Et aussitôt il se mit à parler du prince ; que Blanche s’en allait avec lui, et qu’alors, alors…

— Que vais-je faire, Alexis Ivanovitch ? Je vous jure, par Dieu !… Dites. N’est-ce pas de l’ingratitude ? Mais… Oui, oui, c’est de l’ingratitude !…

Il fondit en larmes.

Il n’y avait rien à faire avec lui. Je fis savoir à la bonne dans quel état il était ; je fis avertir aussi le garçon, afin qu’on le surveillât, et je sortis.

Juste en ce moment Potapitch vint me prévenir que la babouschka me demandait. Il était huit heures ; elle revenait de la gare, où elle avait perdu tout l’argent qu’elle avait apporté de Moscou. Je la trouvai dans son fauteuil, lasse, malade. Marfa lui présentait une tasse de thé qu’elle la forçait presque de boire. Le ton de la pauvre dame était tout à fait changé.

— Bonjour, mon petit père, dit-elle lentement. Par-