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le joueur

tout ce que vous avez gagné, et vous n’aurez plus de quoi aller à Paris. Mais, adieu ! Je suis convaincu que vous partirez aujourd’hui.

— Bon. Adieu ! Du reste, je n’irai pas à Paris. Réfléchissez, monsieur Astley, à ce qui va nécessairement se passer chez le général. Car, évidemment… cette aventure avec miss Paulina… Mais ça va être la fable de toute la ville !

— Oui, la fable de toute la ville. Quant au général, je crois qu’il a d’autres soucis. De plus, miss Paulina a le droit d’aller où bon lui semble. Quant à cette famille, il est permis de penser qu’elle est tout à fait dissoute.

Je partis en souriant à part moi de l’assurance qu’avait cet Anglais de mon prochain départ pour Paris.

« Pourtant il veut me tuer en duel si Paulina meurt. Quelle histoire ! »

Je plaignais Paulina. Mais je dois convenir que dès la veille, dès le moment où je m’étais assis à la table de jeu, mon amour avait été relégué au second plan. Je vois cela, maintenant ; mais alors les choses étaient loin d’être aussi claires. Suis-je donc vraiment un joueur ? Aimais-je donc… si étrangement Paulina ? Non, je le jure par Dieu, je l’aimais sincèrement. Je l’aime encore ! Mais… ici se place la plus singulière, la plus drôle de mes aventures.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je courais chez le général, quand une porte voisine de la sienne s’ouvrit et quelqu’un m’appela. C’était Mme veuve Comminges qui m’appelait sur l’ordre de Mlle Blanche. J’entrai chez Mlle Blanche.

Son appartement se composait de deux pièces. Je l’entendis rire dans sa chambre à coucher. Elle se levait.

Ah ! c’est lui ! Viens donc, bêta ! Est-il vrai que tu as gagné une montagne d’or et d’argent ?… J’aimerais mieux l’or[1].

  1. En français dans le texte