Page:Dostoïevski - Le Joueur - Les Nuits Blanches, trad. Kaminski, ed. Plon, 1925.djvu/196

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pas plutôt serré dans ses bras qu’elle revint à moi, enlaça mon cou de ses deux mains et m’embrassa violemment, puis, sans dire un seul mot, me quitta de nouveau, prit l’autre par la main et partit avec lui.

Je ne les vis pas s’éloigner.

LE MATIN

La journée n’était pas belle. Les gouttes d’eau faisaient un bruit triste sur mes vitres ; sombre dans ma chambre, sombre dehors. La tête me tournait, j’avais la fièvre.

— Une lettre pour toi, mon petit père, c’est le postillon qui l’apporte, me dit Matrena.

— De qui donc ? demandai-je sans savoir ce que je disais.

— Comment le saurais-je, mon petit père ? Lis toi-même.

Je brisai le cachet.

« Oh ! pardonnez-moi. Je vous supplie à genoux de me pardonner ; je ne voulais pas vous tromper, et pourtant je vous ai trompé. Pardon ! Pourtant je n’ai pas changé pour vous, je vous aimais, je vous aime encore ; pourquoi n’êtes-vous pas lui ?

« Oh ! s’il était vous !

« Dieu voit tout ce que je voudrais faire pour vous ; vous avez beaucoup souffert et moi aussi je vous ai fait souffrir ; mais l’offense s’oubliera et il vous restera la douceur de m’aimer. Je vous remercie, oui, je vous remercie de votre amour. Il est gravé dans mon esprit comme un beau rêve qu’on se rappelle longtemps après le réveil ; je n’oublierai jamais l’instant où vous m’avez si généreusement offert votre cœur en échange du mien