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le joueur

— Oui ! je vous défie. Allez ! je le veux.

— C’est une fantaisie ridicule, mais j’y vais. Pourvu que cela ne cause pas des désagréments au général et que le général ne vous ennuie pas à cause de cela ! Ma parole, j’y vais. Mais quelle fantaisie ! Aller offenser une femme !

— Je vois bien que vous n’êtes qu’un bavard ! dit-elle avec mépris. Vous avez les yeux gonflés de sang, et c’est tout. Peut-être avez-vous trop bu à dîner. Croyez-vous donc que je ne comprenne pas combien c’est bête et que le général se fâchera ? Mais je veux rire, voilà tout. Vous faire offenser une femme, oui ; et vous faire battre, oui, je le veux.

Lentement, j’allai accomplir ma mission. Certes, c’était très bête, mais pouvais-je ne pas me soumettre ?

En m’approchant de la baronne, un souvenir me revint. Et puis j’étais comme ivre… un écolier ivre, comprenez-vous ?


VI


Voilà deux jours de passés depuis cette fameuse sottise. Que de bruit ! que de cris ! Et je suis la cause de tout cela ! Mais j’y ai trouvé mon profit. Que j’ai ri ! Je ne puis pourtant m’expliquer comment tout cela est arrivé. Suis-je fou ? Je le crois. Et puis, je ne suis pas encore bien loin des bancs de l’école, et j’ai pris plaisir, je suppose, à cette grossière espièglerie.

Cette Paulina ! toujours elle !

Peut-être ai-je agi par désespoir. En somme, qu’est-ce que j’aime en elle ? Elle me semble jolie. Elle est svelte, un peu trop mince peut-être ; on pourrait la ployer en deux et la nouer comme un ruban ; elle a tout ce qui fait souffrir, précisément tout ce qui fait souffrir ! Ses cheveux