Page:Dostoïevski - Le Rêve de l’oncle, trad. Kaminsky, 1895.djvu/278

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— Ne pleure donc pas ! continuait le malade. Est-ce aujourd’hui que je meurs ? Le bonheur est mort depuis si longtemps ! Tu es plus intelligente et meilleure que moi, tu sais que je ne te vaux pas : pour quoi m’aimes-tu ? Tu sais que je ne le vaux pas. Oh ! que cette pensée m’a fait souffrir ! Ah ! mon amie, ma vie a été un rêve : je n’ai pas vécu, j’ai rêvé. Je méprisais la foule : et de quoi donc étais-je si fier ? De la pureté de mon cœur ? de la noblesse de mes sentiments ? Mais tout cela n’avait d’autre consistance que celle de mes rêves, Zina !…

— Assez ! assez ! tu me tues !

— Ne m’interromps pas, Zina !… Je sais, tu m’as pardonné, et depuis longtemps peut-être ; mais tu m’as jugé et tu as compris qui j’étais ; c’est ce qui me torture. Je suis indigne de ton amour, Zina ! Tu as toujours été honnête et généreuse : tu es allée trouver ta mère et tu lui as déclaré ton ferme désir de m’épouser, ou nul autre ;