Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/17

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juste, je vous répondrai que je suis employé de huitième classe. Je n’étais entré dans l’administration que pour gagner mon pain ; et uniquement pour cela. Aussi, l’an dernier, quand un parent éloigné me légua six mille roubles, m’empressai-je de prendre ma retraite et d’aller m’installer dans mon coin. J’y demeurais déjà avant, dans mon coin, mais, à présent, je m’y suis installé. Ma chambre est laide, déplaisante, et située au bout de la ville. Ma servante est une paysanne, âgée, bête jusqu’à la méchanceté et douée d’un fumet désagréable. On me dit que le climat de Pétersbourg ne me vaut plus rien et que la vie y est trop chère pour mes minuscules revenus. Je le sais, et mieux que tous ces sages conseillers si pleins d’expérience, mieux que tous ces hocheurs de têtes ; mais je continue à demeurer à Pétersbourg ; je ne le quitterai pas ! Je ne le quitterai pas, parce que… Eh ! il est tout à fait indifférent que je le quitte ou non !

Et puis, d’ailleurs, est-il, pour un homme comme il faut, sujet de conversation plus agréable que lui-même ? Non, n’est-ce pas ? Je vais donc parler de moi.