Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/19

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hommes « sortant de l’ordinaire » et les hommes d’action. Je parie que vous êtes persuadés que j’écris tout cela par présomption, pour me moquer des hommes d action, que je fais traîner mon sabre comme cet officier. Mais qui donc. Messieurs, voudrait tirer orgueil de ses infirmités et s’en faire un sujet de présomption ?

Et que dis-je ? C’est le cas général au contraire ! c’est de nos infirmités que nous sommes le plus fiers, et moi peut-être encore plus que les autres. Bon ! ne discutons pas ; mon argument est absurde. J’ai cependant la ferme conviction que non seulement le trop de conscience constitue une maladie mais encore la conscience, pour si peu qu’on en ait. Et je l’affirme !

Laissons cela un instant et dites-moi pourquoi c’était au moment même où j’étais le plus capable de saisir toutes les finesses « du beau et du sublime », comme nous disions autrefois, qu’il m’arrivait de perdre toute conscience et de commettre des actions mauvaises… des actions qui… des actions que… comme tout le monde en commet sans doute… mais de les commettre juste au moment où je comprenais le mieux qu’il ne les fallait pas faire ? Plus j’admirais et le bien et « le beau et le sublime » et plus profondément je m’enlisais dans la vase et plus s’aggravait chez moi cette faculté de m’embourber. Le pis est que cela ne m’arrivait point par hasard, mais comme si j’eusse pensé qu’il