Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais il n’y a pas de chasteté. Par petitesse, vous mettez votre vérité en montre, au pilori, au marché… Vous voulez vraiment dire quelque chose, mais vous cachez votre dernier mot par crainte, parce que vous n’avez pas le courage de le prononcer ; vous n’avez que de la lâche effronterie. Vous vous targuez d’être conscient, mais vous hésitez seulement, parce que, malgré que votre intelligence travaille, votre cœur est obscurci par la perversion ; et sans un cœur pur il ne peut y avoir de conscience régulière et complète. Et combien vous êtes obsédant ! Comme vous vous imposez. Combien faites-vous de contorsions ! Mensonge, mensonge et mensonge ! » Bien entendu, c’est moi qui invente à présent vos paroles. Cela vient aussi de mon gîte. Pendant quarante ans j’ai écouté vos paroles à travers la fente du parquet. Je les ai inventées moi-même ; je n’ai inventé que cela. Ce n’est pas étonnant que je les aie apprises par cœur et qu’elles aient pris une forme littéraire. Mais vraiment, êtes-vous donc vraiment crédule à ce point d’imaginer que je vais imprimer tout cela, et puis que je vous le laisserai lire ? Et puis voilà un problème pour moi : pourquoi, en effet, vous ai-je appelés « Messieurs », pourquoi me suis-je adressé à vous, comme si vous étiez vraiment des lecteurs ? On ne doit pas imprimer, ni laisser lire de pareils aveux, comme ceux que j’ai commencé à exposer.