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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/125

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Mitia expliqua qu’il s’était taché en s’occupant de Grigori et qu’il avait retroussé la manche chez Perkhotine, en se lavant les mains.

« Il faudra aussi ôter votre chemise, c’est très important pour les pièces à conviction. »

Mitia rougit et se fâcha.

« Alors, je vais rester tout nu !

— Ne vous inquiétez pas, nous arrangerons cela. Ayez l’obligeance d’ôter aussi vos chaussettes.

— Vous ne plaisantez pas ? C’est vraiment indispensable ?

— Nous ne sommes pas en train de plaisanter, répliqua sévèrement Nicolas Parthénovitch.

— Eh bien, s’il le faut… je… » murmura Mitia qui, s’asseyant sur le lit, se mit à retirer ses chaussettes.

Il était très gêné et, chose étrange, se sentait comme coupable, lui nu, devant ces gens habillés, trouvant presque qu’ils avaient maintenant le droit de le mépriser, comme inférieur. « La nudité en soi n’a rien de choquant, la honte naît du contraste, songeait-il. On dirait un rêve, j’ai parfois éprouvé en songe des sensations de ce genre. » Il lui était pénible d’ôter ses chaussettes, assez malpropres, ainsi que son linge, et maintenant tout le monde l’avait vu. Ses pieds surtout lui déplaisaient, il avait toujours trouvé ses orteils difformes, particulièrement celui du pied droit, plat, l’ongle recourbé, et tous le voyaient. Le sentiment de sa honte le rendit plus grossier, il ôta sa chemise avec rage.

« Ne voulez-vous pas chercher ailleurs, si vous n’avez pas honte ?

— Non, c’est inutile pour le moment.

— Alors, je dois rester comme ça, nu ?

— Oui, c’est nécessaire… Veuillez vous asseoir en attendant, vous pouvez vous envelopper dans une couverture du lit, et moi… je m’occuperai de ça. »

Les effets ayant été montrés aux témoins instrumentaires et le procès-verbal de leur examen rédigé, le juge et le procureur sortirent ; on emporta les vêtements ; Mitia demeura en compagnie des manants qui ne le quittaient pas des yeux. Il avait froid et s’enveloppa de la couverture, trop courte pour couvrir ses pieds nus. Nicolas Parthénovitch se fit longtemps attendre. « Il me prend pour un gamin », murmura Mitia en grinçant des dents. « Cette ganache de procureur est sorti aussi, par mépris sans doute, ça le dégoûtait de me voir nu. » Mitia s’imaginait qu’on lui rendrait ses habits après l’examen. Quelle fut son indignation lorsque Nicolas