Aller au contenu

Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cou ? Vous n’êtes pas rentré chez vous, d’après votre déclaration.

— C’est en allant chez Perkhotine, après avoir quitté Fénia, que je l’ai détaché pour sortir l’argent.

— Dans l’obscurité ?

— À quoi bon une bougie ? Le chiffon a vite été déchiré.

— Sans ciseaux, dans la rue ?

— Sur la place, je crois.

— Qu’en avez-vous fait ?

— Je l’ai jeté là-bas.

— Où ?

— Quelque part, sur la place, le diable sait où. Qu’est-ce que ça peut vous faire ?

— C’est très important, Dmitri Fiodorovitch ; il y a là une pièce à conviction en votre faveur, ne le comprenez-vous pas ? Qui vous a aidé à le coudre, il y a un mois ?

— Personne. Je l’ai cousu moi-même.

— Vous savez coudre ?

— Un soldat doit savoir coudre ; d’ailleurs, il n’y a pas besoin d’être adroit pour cela.

— Et où avez-vous pris l’étoffe, c’est-à-dire ce chiffon ?

— Vous voulez rire.

— Pas du tout, nous ne sommes pas en train de rire, Dmitri Fiodorovitch.

— Je ne me rappelle pas où.

— Comment pouvez-vous avoir oublié ?

— Ma foi, je ne m’en souviens pas, j’ai peut-être déchiré un morceau de linge.

— C’est très intéressant : on pourrait trouver demain chez vous, la pièce, la chemise, peut-être, dont vous avez pris un morceau. En quoi était ce chiffon : en coton ou en toile ?

— Le diable le sait. Attendez… Il me semble que je n’ai rien déchiré. C’était, je crois, du calicot. J’ai dû coudre dans le bonnet de ma logeuse.

— Le bonnet de votre logeuse ?

— Oui, je le lui ai dérobé.

— Comment dérobé ?

— Voyez-vous, je me rappelle, en effet, avoir dérobé un bonnet pour avoir des chiffons, peut-être comme essuie-plume. Je l’avais pris furtivement, car c’était un chiffon sans valeur, et je m’en suis servi pour coudre ces quinze cents roubles… Je crois bien que c’est ça, un vieux morceau de calicot, mille fois lavé.

— Et vous en êtes sûr ?