Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/198

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précisément parce que, vous aussi, vous avez honte avec moi, parce que vous êtes comme moi ! » s’exclama Kolia enthousiasmé.

Il avait les joues enflammées, ses yeux brillaient.

« Écoutez, Kolia, vous serez très malheureux dans la vie, dit tout à coup Aliocha.

— Je le sais, je le sais. Comme vous devinez tout ! confirma aussitôt Kolia.

— Mais, dans l’ensemble, vous bénirez pourtant la vie.

— C’est ça. Hourra ! Vous êtes un prophète ! Nous nous entendrons, Karamazov. Savez-vous, ce qui m’enchante le plus, c’est que vous me traitiez tout à fait en égal. Or, nous ne sommes pas égaux, vous êtes supérieur ! Mais nous nous entendrons. Je me disais depuis un mois : « Ou nous serons tout de suite amis pour toujours, ou nous nous séparerons ennemis jusqu’au tombeau ! »

— Et en parlant ainsi, vous m’aimiez déjà, bien sûr ! dit Aliocha avec un rire joyeux.

— Je vous aimais énormément, je vous aimais et je rêvais de vous ! Et comment pouvez-vous tout deviner ? Bah, voici le docteur. Mon Dieu, il dit quelque chose, regardez quelle figure il a ! »


VII

Ilioucha

Le médecin sortait de l’izba emmitouflé dans sa pelisse et sa casquette sur la tête. Il avait l’air presque irrité et dégoûté ; on eût dit qu’il craignait de se salir. Il parcourut des yeux le vestibule, jeta un regard sévère à Kolia et à Aliocha ; celui-ci fit signe au cocher, qui avança la voiture. Le capitaine sortit précipitamment derrière le praticien et, courbant le dos, s’excusant presque, l’arrêta pour un dernier mot. Le pauvre homme avait l’air accablé, le regard plein d’effroi.

« Est-ce possible, Excellence, est-ce possible ?…