Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/288

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divan, personne. Les coups à la fenêtre persistaient, mais bien moins forts qu’il ne lui avait semblé, et même fort discrets.

« Ce n’est pas un rêve ! Non, je jure que ce n’était pas un rêve, tout ça vient d’arriver. »

Ivan courut à la fenêtre et ouvrit le vasistas.

« Aliocha, je t’avais défendu de venir, cria-t-il, rageur, à son frère. En deux mots, que veux-tu ? En deux mots, tu m’entends ?

— Smerdiakov s’est pendu il y a une heure, dit Aliocha.

— Monte le perron, je vais t’ouvrir », dit Ivan, qui alla ouvrir la porte.

X

« C’est lui qui l’a dit ! »

Aliocha apprit à Ivan qu’une heure auparavant Marie Kondratievna était venue chez lui pour l’informer que Smerdiakov venait de se suicider. « J’entre dans sa chambre pour emporter le samovar, il était pendu à un clou. » Comme Aliocha lui demandait si elle avait fait sa déclaration à qui de droit, elle répondit qu’elle était venue tout droit chez lui, en courant. Elle tremblait comme une feuille. L’ayant accompagnée chez elle, Aliocha y avait trouvé Smerdiakov encore pendu. Sur la table, un papier avec ces mots : « Je mets fin à mes jours volontairement ; qu’on n’accuse personne de ma mort. » Aliocha, laissant ce billet sur la table, se rendit chez l’ispravnik, « et de là chez toi », conclut-il en regardant fixement Ivan, dont l’expression l’intriguait.

« Frère, dit-il soudain, tu dois être très malade ! Tu me regardes sans avoir l’air de comprendre ce que je te dis.

— C’est bien d’être venu, dit Ivan d’un air préoccupé et sans prendre garde à l’exclamation d’Aliocha. Je savais qu’il s’était pendu.

— Par qui le savais-tu ?

— Je ne sais pas par qui, mais je le savais. Le savais-je ? Oui, il me l’a dit, il vient de me le dire. »

Ivan se tenait au milieu de la chambre, l’air toujours absorbé, regardant à terre.