Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/32

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deviez venir après tout ce qui s’est passé avec Catherine Ivanovna.

— C’est du réalisme, cela, madame… Mais permettez-moi de vous expliquer…

— Précisément, du réalisme, Dmitri Fiodorovitch. Il n’y a que ça qui compte à mes yeux, je suis revenue des miracles. Vous avez appris la mort du starets Zosime ?

— Non, madame, je n’en savais rien », répondit Mitia un peu surpris. Le souvenir d’Aliocha lui revint.

« Il est mort cette nuit même, et imaginez-vous…

— Madame, interrompit Mitia, je m’imagine seulement que je suis dans une situation désespérée, et que si vous ne me venez pas en aide, tout s’écroulera, moi le premier. Pardonnez-moi la vulgarité de l’expression, la fièvre me brûle.

— Oui, je sais que vous avez la fièvre, il ne peut en être autrement ; quoi que vous disiez, je le sais d’avance. Il y a longtemps que je m’occupe de votre destinée, Dmitri Fiodorovitch, je la suis, je l’étudie. Je suis un médecin expérimenté, croyez-le.

— Je n’en doute pas, madame, en revanche, je suis, moi, un malade expérimenté, répliqua Mitia en s’efforçant d’être aimable, et j’ai le pressentiment que si vous suivez avec un tel intérêt ma destinée, vous ne me laisserez pas succomber. Mais permettez-moi enfin de vous exposer le plan qui m’amène… et ce que j’attends de vous… Je suis venu, madame…

— À quoi bon ces explications, ça n’a pas d’importance. Vous n’êtes pas le premier à qui je serai venue en aide, Dmitri Fiodorovitch. Vous avez dû entendre parler de ma cousine Belmessov, son mari était perdu. Eh bien, je lui ai conseillé l’élevage des chevaux, et maintenant il prospère. Vous connaissez-vous en élevage, Dmitri Fiodorovitch ?

— Pas du tout, madame, pas du tout ! s’écria Mitia qui se leva dans son impatience. Je vous supplie, madame, de m’écouter ; laissez-moi parler deux minutes seulement pour vous expliquer mon projet. De plus, je suis très pressé !… cria Mitia avec exaltation, comprenant que la brave dame allait encore parler et dans l’espoir de crier plus fort qu’elle… Je suis désespéré, je suis venu vous emprunter trois mille roubles contre un gage sûr, offrant pleine garantie ! Laissez-