Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/37

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— Et qui êtes-vous, monsieur ? proféra la vieille d’un autre ton, je ne vous reconnais pas.

— Ne servez-vous pas chez Kouzma Samsonov ?

— Parfaitement… Mais je ne peux pas vous reconnaître.

— Dites-moi, ma bonne, est-ce qu’Agraféna Alexandrovna est chez vous en ce moment ? Je l’y ai conduite moi-même.

— Oui, monsieur, elle est restée un instant et partie.

— Comment, partie ? Quand ?

— Elle n’est pas restée longtemps. Elle a diverti Kouzma Kouzmitch en lui faisant un conte, puis elle s’est sauvée.

— Tu mens, maudite ! cria Mitia.

— Seigneur, mon Dieu ! » fit la vieille.

Mais Mitia avait disparu ; il courait à toutes jambes vers la maison où demeurait Grouchegnka. Elle était partie depuis un quart d’heure pour Mokroïé. Fénia était dans la cuisine, avec sa grand-mère, la cuisinière Matrone, quand arriva le « capitaine ». À sa vue, Fénia cria de toutes ses forces.

« Tu cries ? fit Mitia. Où est-elle ? »

Et sans attendre la réponse de Fénia paralysée par la peur, il tomba à ses pieds.

« Fénia, au nom du Christ, notre Sauveur, dis-moi où elle est !

— Je ne sais rien, cher Dmitri Fiodorovitch, rien du tout. Quand vous me tueriez sur place, je ne peux rien dire. Mais vous l’avez accompagnée…

— Elle est revenue…

— Non, elle n’est pas revenue, je le jure par tous les saints.

— Tu mens ! hurla Mitia. Rien qu’à ta frayeur, je devine où elle est… »

Il sortit en courant. Fénia épouvantée se félicitait d’en être quitte à si bon compte, tout en comprenant que cela aurait pu mal tourner, s’il avait eu le temps. En s’échappant, il eut un geste qui étonna les deux femmes. Sur la table se trouvait un mortier avec un pilon en cuivre ; Mitia, qui avait déjà ouvert la porte, saisit ce pilon au vol et le fourra dans sa poche.

« Seigneur, il veut tuer quelqu’un ! » gémit Fénia.