Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/402

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Lise Khokhlakov. Mais il en était venu d’autres de la part de Catherine Ivanovna, et lorsque Aliocha ouvrit la porte, le capitaine, une gerbe dans ses mains tremblantes, était en train de la répandre sur son cher enfant. Il regarda à peine le nouveau venu ; d’ailleurs, il ne faisait attention à personne, pas même à sa femme, la « maman » démente et éplorée, qui s’efforçait de se soulever sur ses jambes malades, pour voir de plus près son enfant mort. Quant à Nina, les enfants l’avaient transportée, avec son fauteuil, tout près du cercueil. Elle y appuyait la tête et devait pleurer doucement. Sniéguiriov avait l’air animé, mais comme perplexe et en même temps farouche. Il y avait de la folie dans ses gestes, dans les paroles qui lui échappaient. « Mon petit, mon cher petit ! » s’écriait-il à chaque instant, en regardant Ilioucha.

« Papa, donne-moi aussi des fleurs, prends dans sa main cette fleur blanche et donne-la-moi ! » demanda en sanglotant la maman folle.

Soit que la petite rose blanche qui était dans les mains d’Ilioucha lui plût beaucoup, ou qu’elle voulût la garder en souvenir de lui, elle s’agitait, les bras tendus vers la fleur.

« Je ne donnerai rien à personne ! répondit durement Sniéguiriov. Ce sont ses fleurs et pas les tiennes. Tout est à lui, rien à toi !

— Papa, donnez une fleur à maman ! dit Nina en découvrant son visage humide de larmes.

— Je ne donnerai rien, surtout pas à elle ! Elle ne l’aimait pas. Elle lui a enlevé son petit canon », dit le capitaine avec un sanglot, en se rappelant comment Ilioucha avait alors cédé le canon à sa mère.

La pauvre folle se mit à pleurer, en se cachant le visage dans ses mains. Les écoliers, voyant enfin que le père ne lâchait pas le cercueil, et qu’il était temps de le porter à l’église, l’entourèrent étroitement, se mirent à le soulever.

« Je ne veux pas l’enterrer dans l’enceinte ! clama soudain Sniéguiriov, je l’enterrerai près de la pierre, de notre pierre ! C’est la volonté d’Ilioucha. Je ne le laisserai pas porter ! »

Depuis trois jours, il parlait de l’enterrer près de la pierre ; mais Aliocha et Krassotkine intervinrent, ainsi que la logeuse, sa sœur, tous les enfants.

« Quelle idée de l’enterrer près d’une pierre impure, comme un réprouvé ! dit sévèrement la vieille femme. Dans l’enceinte, la terre est bénie. Il sera mentionné dans les prières. On entend les chants de l’église, le diacre a une voix si