Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/119

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à coup deux nièces, ses plus proches héritières. Elle considéra Katia comme sa consolation, fît son testament en faveur de la jeune fille , et lui donna , en attendant , une dot de quatre-vingt mille roubles. Je fus bien étonné de recevoir par la poste, à quelque temps de là, quatre mille cinq cents roubles, et trois jours après arriva la lettre promise. (Je lai encore, je ne la quitterai jamais; je veux qu’on m’enterre avec.) Tiens, il faut absolument que lu la lises : t Je vous aime follement. Que vous ne m’aimiez pas, cela m’est égal ; mais soyez mon mari. Ne vous effrayez pas, je ne vous gênerai en rien. Je serai un meuble chez vous , le tapis sur lequel vous marchez : je vous aimerai éternellement, je vous sauverai de vous- même. » Alioschal je suis indigne de te répéter ces paroles, avec ma voix à jamais souillée. Cette lettre m’a fait une blessure inguérissable. J’ai répondu aussitôt, ne pouvant aller moi-même à Moscou. J’écrivis avec mes larmes. Je lui rappelai qu’elle était riche et que j’étais pauvre : oui, j’ai fait cela, je lui ai parlé d’argent! J’écrivis en même temps à Ivan, qui était alors à Moscou ; je lui expUquai tout dans une lettre de six pages, et j’envoyai Ivan chez elle... Pourquoi me regardes-tu? Oui, Ivan s’est épris d’elle. Il l’aime, oui, je le sais. J’ai fait une sottise, n’est-ce pas? Eh bien! c’est cette sottise qui nous sauvera tous. Ne vois -tu pas qu’elle l’estime, qu’elle l’honore? Peut-elle, si elle nous compare tous deux, ne pas le préférer , surtout après les derniers événements ?

— Je suis sûr que c’est un homme comme toi qu’elle doit aimer, et non pas on homme comme lui.

— C’est sa propre vertu qu’elle aime en moi , et non