LES FRERES KARAMAZOV. 149
Elle prit respectueusement la main de Katherina Ivanovna.
— Je vais vous baiser la main comme vous avez baisé la mienne ; il me faudra bien trois cents baisers pour m'acquitter des trois que vous m'avez donnés... Que faire? que faire? A la grâce de Dieu! Je voudrais vous contenter, mais ne faisons plus de promesses, les choses iront comme il plaira à Dieu ! Quelle main ! quelle charmante petite main ! Barichnia, que vous êtes belle !
Elle porta doucement à ses lèvres la main de Katherina Ivanovna, dans le but étrange de « s'acquitter » des bai- sers qu'elle avait reçus. Katherina Ivanovna ne retira pas sa main. Elle espérait encore, timidement, mais elle espé- rait ; elle voulait croire que Grouschegnka désirait sin- cèrement la « contenter », et la jeune fille regardait avec anxiété l'étrange créature, qui gardait toujours sa physiono- mie naïve, confiante, sa joie tranquille...
« Elle est peut-être trop naïve » , pensait Katherina Ivanovna, pour être si perverse ! »
Cependant Grouschegnka, tout émerveillée de cette t si jolie petite main » , la portait lentement à ses lèvres. Ses lèvres l'effleuraient presque, quand elle s'arrêta pour réfléchir,
— Savez-vous, mon ange ? traîna-t-elle de sa voix la plus doucereuse, savez-vous? Je ne vous baiserai pas votre mainl
Et elle se mit à ricaner gaiement.
— Comme vous voudrez Qu'avez- vous? s'exclama
Katherina Ivanovna en tressaillant.
— Gardez ce souvenir : vous avez baisé ma main, et moi , je n'ai pas baisé la vôtre , fit Grouschegnka avec des éclairs dans les yeux en regardant fixement Katherina Ivanovna.
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