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154 LES FRÈRES KARAMAZOV.

Aliosclia lui raconta tout ce qui venait d'arriver. Dmitri l'écoutait en silence, en le regardant en face avec une singulière fixité. Plus le récit avançait, plus son visage devenait sombre, menaçant II fronçait le sourcil, grinçait des (lents; son regard devenait encore plus fixe, plus ter- rible. Tout à coup, avec une rapidité inouïe, il changea de visage; ses lèvres contractées se desserrèrent, et il éclata du rire le plus franc, le plus irrésistible.

— Alors, elle ne lui a pas baisé la main ! Elle est partie sans lui baiser la main ! s'écria-t-il dans un transport ma- ladif, qu'on eût pu dire infâme s'il eût été moins artificiel. Et l'autre l'a appelée tigre! Elle ne se trompe pas. Et il faut la livrer au bourreau? Évidemment! Ce devrait être fait depuis longtemps. C'est un gibier d'échafaud, en effet. Elle est tout entière dans cette action, cette reine d'in- solence, cette reine des furies, de toutes les pires créa- tures possibles ! Et elle est chez elle? J'y vais tout de suite, j'y vais... Ne m'accuse pas, je suis d'accord avec vous qu'il faudrait l'écraser.

— Et Katherina Ivanovna? dit tristement Alioscha.

— Oh ! celle-là , je la comprends aussi , je la vois plus que jamais. C'est la merveille des quatre parties du monde, je veux dire des cinq... Une telle démarche ! C'est bien la même Kategnka, cette pensionnaire qui n'a pas craint de venir chez un officier débauché par dévouement pour son père , au riscjue des suprêmes outrages. Quel orgueil ! quelle soif de danger! (luel désir de se mesurer avec la destinée! quel appétit d'infini! Sa tante la retenait vai- nement, n'est-ce pas? « Je puis tout vaincre, tout va me céder; j'ensorcellerai Grouschegnka elle-même. » Elle y

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