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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/173

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LES FRERES KARAMAZOV.
163

Il fut pourtant satisfait quand Marfa Ignatievna(Grigory était malade) lui dit qu’Ivan Fédorovitch était sorti depuis une couple d’heures.

— Et mon père ?

— Il est levé, il prend son café.

Alioscha entra. Le vieux se tenait assis auprès d’une table : vêtu d’un paletot usé, les pieds dans des pantoufles, il feuilletait distraitement des papiers d’affaires. Il avait le visage fatigué ; son front, où s’étaient formées de grandes cicatrices, était couvert d’un foulard rouge. Son nez. très-enflé, très-écorché, donnait à son visage un aspect particulièrement méchant. Le vieux le savait lui-même, et il jeta un mauvais regard à Alioscha.

— Le café est froid, dit-il d’un ton sec, je ne t’en offre pas. Je n’ai que de la oukha pour tout potage. Je ne suis visible pour personne : pourquoi es-tu venu ?

— Je suis venu menquérir de votre santé, dit Alioscha.

— Oui, d’ailleurs, hier, je t’avais prié de venir. Sottises, tout cela ! Ce n’était pas la peine de te déranger. Je savais bien que tu allais accourir…

H parlait sur le ton le plus maussade. Il finit par se lever et examina soucieusement sa figure pour la quarantième fois peut-être depuis le matin. Il arrangea avec soin son foulard rouge.

— Un foulard rouge… c’est mieux ! Le foulard blanc a tout de suite… un air d’hôpital, dit-il sentencieusement. Eh bien, que fait ton starets ?

— Il va très-mal, il mourra peut-être aujourd’hui, dit Alioscha.

Fédor Pavlovitch n’entendit même pas la réponse.