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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/193

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LES FRÈRES KARAMAZOV. (83

mal, mais je parlerai quand même, continua-t-il d'une voix tremblante. Vous n'aimez pas Dmitri... Vous ne l'avez jamais aimé... D'ailleurs, Dmitri ne vous a pas aimée lui- même... dès le commencement... Il vous estime, voilà tout. Vraiment, je ne sais comment j'ai l'audace... mais il faut bien que quelqu'un ose dire la vérité... car personne ici n'ose la dii'e.

— Quelle vérité? s'exclama Katherina Ivanovna avec violence.

— La voici, murmura Alioscha. (Il avait les sensations et l'expression d'un homme qui se précipite d'une hau- teur.) Appelez Dmitri, qu'il vienne ici prendre votre main et celle de mon frère Ivan, et qu'il les joigne! Car vous faites souffrir Ivan parce que vous l'aimez, et vous vous torturez vous-même, en vous imposant pour Dmitri un amour qui vous est à charge... Vous vous êtes juré à vous- même de l'aimer !

^Uioscha se tut.

— Vous... vous... vous êtes fou! fit Katherina Ivanovna, pâle, les lèvres contractées.

Ivan Fédorovitch éclata de rire et se leva.

— Tu t'es trompé, mon bon Alioscha, dit-il avec une physionomie qu' Alioscha ne lui connaissait pas encore, une expression juvénile, naïve, naïvement sincère. Jamais Katherina Ivanovna ne m'a aimé. Elle sait depuis long- temps que je l'aime, quoique je ne lui ai jamais parlé de mon amour. Elle le savait, mais elle ne m'aimait pas. Je n'ai même pas été son ami, jamais, pas un instant; son orgueil lui suffit, elle n"a pas besoin de mon amitié. Elle me souffre maintenant auprès d'elle pour se venger sur

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