Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/234

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est fondé , que rien n’est possible sans elles. Nous savons ce que nous savons.

— Que sais-tu ?

— Je n’y comprends rien, reprit Ivan comme en rêve; mais je n’y veux rien comprendre quant à présent. Je m’en tiens aux faits, j’ai renoncé à comprendre...

— Pourquoi me soumets-tu à cette épreuve? Me le diras-tu, à la fin?

— Certes ; c’est que tu m’es cher, et je ne veux pas t’abandonner à l’influence de ton Zossima.

Ivan se tut, et son visage s’assombrit.

— Écoute, reprit-il , j’ai choisi mes exemples parmi les enfants pour que ce soit plus clair. Les hommes sont cou. pables. On leur avait donné un paradis et ils ont convoité le feu du ciel 1 Ils ne méritent aucune pitié. Il faut une sanction aux crimes des hommes, et non pas une sanction éloignée, reculée jusqu’à la vie future , mais ici même, et sous nos yeux. Je ne veux pas servir à fumer la terre pour la préparer aux éclosions futures : je veux voir de mes propres yeux la gazelle dormir sans peur auprès du lion et la victime embrasser le meurtrier. C’est sur ce désir-là que se fondent toutes les religions. Et moi, j’ai la foi 1 Mais les enfants, qu’en ferai-je? Insoluble (jnestion! Si tous doivent souffrir pour concourir par leurs souffrances à l’harmonie éternelle , quelle est la raison des souffrances des enfants? Je comprends la solidarité du péché et du châtiment entre les hommes, mais elle n’existe plus entre les enfants innocents. Quant à la solidarité du péché originel , c’est une vérité qui n’est pas de ce monde , et je me refuse à la comprendre, t Ils grandiront, dira un mau-