Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/30

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— T’a-t-on permis la communion ?

— Oui ; mais j’ai peur de la mort.

— Non, ne crains pas, il ne faut jamais rien craindre. Ne te lamente pas. Repens-toi, et Dieu te pardonnera. Il n’y a pas au monde un péché que Dieu refuse de pardonner à quiconque possède le vrai repentir. L’homme, d’ailleurs, quels que soient ses péchés, ne peut épuiser la miséricorde divine. Ô femme, la miséricorde divine est si grande ! Toi-même, pécheresse, et même à cause de ton péché, Dieu t’aime ! Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent que pour dix justes qui persévèrent, — c’est une bien ancienne parole ! Va donc et cesse de craindre. Sois douce aux offenses des hommes. Pardonne dans ton cœur à celui qui est mort, pardonne-lui tout le mal qu’il t’a fait, et la paix véritable descendra en toi. L’amour efface tout ! Songe : si moi qui suis un pécheur comme toi, j’ai pitié de toi, femme, combien plus grande doit être la pitié de Dieu ! L’amour est un trésor tellement inestimable qu’il suffit à racheter tous les péchés du monde, non-seulement les nôtres, entends-tu, mais tous ceux du monde ! Va, et ne crains plus.

Il fit trois fois le signe de la croix sur elle, ôta de son cou une petite médaille et l’attacha au cou de la jeune femme, qui se prosterna devant lui jusqu’à terre.

Le starets se leva et sourit à une grosse baba, toute rouge de santé, qui portait dans ses bras un petit enfant.

— Je viens de Nischegoria, mon Père.

— Cela fait six verstes. Tu as dû te fatiguer beaucoup avec ton enfant ! Que veux-tu ?

— Mais, je suis venue pour te contempler. Ce n’est pas