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miades et transformait sa maison en un repaire de débauches, ce fut un domestique, le fidèle Grigory, qui prit sous sa tutelle le petit Mitia. Car, dans les commencements, l’enfant fut négligé aussi par les parents de sa mère, le grand-père maternel étant mort, la grand’mère très-malade et les tantes mariées. De sorte que, pendant tout un an, Mitia vécut dans l’izba de Grigory. Mais un cousin germain d’Adélaïda Ivanovna, Petre Alexandrovitch Mioussov, arriva de Paris. C’était encore un tout jeune homme, très-instruit, formé par un long séjour à l’étranger, un Européen qui devait finir dans la peau d’un libéral. Il était lié avec les plus illustres libéraux de l’époque, Proudhon, Bakounine[1]. Plus tard, il aimait à raconter les trois grandes journées de la révolution de février 1848, en laissant entendre qu’il avait figuré sur les barricades. Il possédait mille âmes environ. Sa propriété était voisine de notre célèbre couvent auquel, dès sa jeunesse, Petre Alexandrovitch avait intenté un procès interminable, son fameux procès à propos des droits de chasse et de pêche, considérant comme un devoir de nuire autant que possible aux cléricaux. Quand il apprit l’histoire d’Adélaïda Ivanovna, dont il avait jadis remarqué la beauté, il s’interposa entre Mitia et son père, malgré tout le dégoût que lui causait cet individu.

Il déclara tout net à Fédor Pavlovitch qu’il se chargeait de l’éducation de l’enfant, mena l’affaire vivement et fut désigné comme curateur, Fédor Pavlovitch étant le tuteur naturel : car il restait à l’enfant, de l’héritage de sa mère,

  1. Le chef de l’école anarchiste.