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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/12

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avant tout. Cela demanderait bien une heure. « En une heure j’apprendrai tout, et alors… D’abord chez Samsonnov, puis ici jusqu’à onze heures, puis de nouveau chez Samsonnov pour ramener Grouschegnka chez elle.

Il vola chez lui, se débarbouilla, se peigna, brossa ses habits et se rendit chez madame Khokhlakov. C’était son fameux projet : il s’était décidé à demander à cette dame les trois mille roubles dont il avait besoin. Il était convaincu qu’elle ne les lui refuserait pas. Pourtant, elle le haïssait depuis longtemps, parce qu’il était le fiancé de Katherina Ivanovna, tandis que la brave dame, on ne sait pourquoi, voulait que Katherina Ivanovna épousât le cher, le savant Ivan Fédorovitch qui avait de si belles manières ! « Mais précisément parce qu’elle ne veut pas que j’épouse Katia, elle ne me refusera pas les moyens de m’en aller, de la quitter, de partir d’ici pour l’éternité. »

Toutefois, déjà sur le perron, il sentit un frisson subit et comprit avec une précision mathématique que c’était là son dernier espoir, que, s’il ne réussissait pas, il n’aurait plus qu’à tuer quelqu’un pour le dévaliser…

Il était sept heures et demie quand il sonna.

D’abord tout alla bien. À peine apprit-on son arrivée qu’on l’introduisit, et la maîtresse du logis accourut à sa rencontre en lui déclarant qu’elle l’attendait.

— Cela vous étonne ? C’était un pressentiment. J’étais sûre que vous viendriez aujourd’hui.

— En effet, madame, c’est étonnant, dit Mitia en s’asseyant avec embarras. Mais… je suis venu pour une affaire très-importante, excessivement importante, pour moi du moins, madame, et je m’empresse…