Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/120

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vous voudriez que, pour vous, aveugles railleurs qui fouillez les faits comme les taupes fouillent la terre, je me couvrisse d’une honte nouvelle en vous révélant encore une de mes vilenies ? Je ne l’aurais pas fait, quand bien même cet aveu eût dû me dérober à vos soupçons ! Non ! mieux vaut le bagne !… C’est celui qui a ouvert la porte de la maison de mon père, c’est celui-là qui a tué et qui a volé. Qui est-ce ? Je me perds dans les conjectures : ce n’est pas Dmitri Karamazov, voilà tout ce que je puis vous dire, et maintenant laissez-moi… Envoyez-moi au bagne ou à l’échafaud, mais cessez de me torturer avec vos questions ! Je me tais, appelez vos témoins.

Le procureur examinait de son regard froid le visage de Mitia. Tout à coup il lui dit, du ton le plus calme, comme s’il s’agissait de choses toutes naturelles :

— Nous avons reçu, précisément à ce sujet, une déposition très-intéressante du vieux Grigori, qui affirme que cette porte était déjà ouverte avant qu’il vous eût vu courir dans le jardin.

Mitia se leva vivement.

— Mensonge ! mensonge ! Il n’a pas pu voir cette porte ouverte, car elle était fermée ! il ment !

— Je dois vous répéter que sa déposition est très-catégorique.

— C’est faux ! c’est faux ! C’est une calomnie ou l’hallucination d’un fou. Sa blessure lui aura donné le délire et il se sera imaginé cela.

— Mais il l’avait remarqué avant d’être blessé, au moment où il était descendu dans le jardin.

— Ce n’est pas vrai, cela ne se peut ! C’est par méchan-