— Avec Rakitine ? Non, je ne peux dire cela. C’est un cochon ! Il me prend pour un misérable. Il ne comprend pas les plaisanteries… Ils sont tous ainsi. Mais il est intelligent… Eh bien, Alexey, je suis perdu déjà ?
Il s’assit sur un banc et montra une place auprès de lui à Alioscha.
— Oui, c’est demain le jugement. Mais n’as-tu donc aucune espérance, frère ?
— De quoi parles-tu ? Ah ! oui, du jugement. Au diable ! Mais c’est une sottise ! Parlons du principal. Oui, c’est demain le jugement. Mais je n’y pensais pas en disant que je suis perdu : ce n’est pas pour ma tête que je crains, c’est pour ce qui est dans ma tête. Pourquoi me regardes-tu d’un air ironique ?
— De quoi parles-tu, Mitia ?
— Des idées ! des idées ! L’éthique ! Sais-tu ce que c’est que l’éthique.
— L’éthique ?
— Oui, une science…
— Oui, je connais… seulement, je t’avoue que je ne saurais dire précisément ce que c’est.
— Eh bien, Rakitine le sait, lui. Il est très-savant. — Que le diable, l’emporte ! Mais laissons l’éthique ! C’est moi qui suis perdu, moi, entends-tu, homme de Dieu ! Je t’aime plus que tous les autres. Mon cœur bat quand je te vois. Qu’est-ce que c’est que Karl Bernard ?
— Karl Bernard ?
— Non, pas Karl… Claude… Un chimiste, je crois ?
— Un savant quelconque, je ne sais rien de plus sur lui.
— Au diable ! Je n’en sais pas plus que toi. C’est quelque