Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/158

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vibrent, se forme une image… du moins au bout d’un moment, d’une seconde… c’est-à-dire, pas un moment, que le diable emporte ce moment ! mais l’image, c’est-à-dire l’objet… ou bien l’événement… ah ! que diable ! Et voilà comment s’effectue la réflexion, et puis la pensée s’ensuit… Car ce sont les fibres qui vibrent, il n’y a pas d’âme : la création de l’homme à sa ressemblance, quelle bêtise ! C’est Rakitine qui m’expliquait cela hier ; ça m’a brûlé, vois-tu ! C’est une belle chose que la science, Alioscha ! N’empêche, je plains Dieu.

— C’est déjà bien, dit Alioscha.

— Que je plaigne Dieu ? La chimie, frère, la chimie ! « Il n’y a pas à dire votre révérence », écartez-vous un peu, c’est la chimie qui passe ! Il n’aime pas Dieu, Rakitine, oh ! non, il ne l’aime pas. C’est son endroit vulnérable. D’ailleurs, tous ceux qui sont comme lui… Mais ils le cachent, ils mentent. « Eh bien, lui demandais-je, que deviendra l’homme sans Dieu et sans immortalité ? Tout est permis alors, tout est permis ?

— Ne le savais-tu pas ? m’a-t-il répondu en riant. Pour un homme intelligent tout est permis, il sait toujours se tirer d’affaire. Mais toi, tu as tué et tu t’es laissé prendre, et maintenant tu « pourris sur la paille ». C’est lui qui me parle ainsi ! le cochon ! Autrefois, j’aurais mis à la porte un tel homme ! Maintenant, je l’écoute ! D’ailleurs il dit des choses spirituelles et il écrit bien…

Mitia se mit à marcher d’un air soucieux à travers la chambre.

— Frère, je ne puis rester longtemps, dit Alioscha après un silence. Demain est un jour terrible pour toi : l’arrêt