Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/179

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drait pas se l’expliquer à lui-même. Il avait du dégoût à fouiller dans ses propres sentiments. Les dépositions, comme nous l’avons dit, affermirent sa conviction. Pourtant, il communiqua à Herzenschtube ses doutes au sujet des troubles cérébraux de Smerdiakov.

— Savez-vous, lui dit le docteur, de quoi il s’occupe maintenant ? Il apprend par cœur des mots français

Ivan Fédorovitch finit par perdre tous ses doutes. Seule, l’assurance d’Alioscha le troublait encore.

Un jour, il le rencontra et ils eurent cette conversation :

— Te rappelles-tu, dit Ivan, cette après-midi, quand Dmitri a assommé notre père ? Je t’ai dit plus tard dans la cour : « Je laisse à mes désirs toute liberté. » Dis-moi, as-tu pensé alors que je désirais la mort de notre père ?

— Oui, dit doucement Alioscha.

— Du reste, ce n’était pas difficile à deviner. Mais, qu’un reptile en dévore un autre, as-tu pensé que par là je voulusse dire que Dmitri tue notre père le plus tôt possible ? Et même n’as-tu pas cru que je ne refuserais peut-être pas de l’aider ?

Alexey pâlit. Il regardait en silence son frère au fond des yeux.

— Parle ! s’écria Ivan, je veux savoir ce que tu as pensé ! Il me faut toute la vérité !

Il était haletant, il y avait de la méchanceté dans l’éclat de son regard.

— Pardonne-moi, j’ai pensé cela aussi, murmura Alioscha.

Il se tut sans ajouter aucune « circonstance atténuante ».

— Merci, dit d’un ton sec Ivan, et il partit.