Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/187

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dans un tiroir un papier qu’elle mit sous les yeux d’Ivan. C’était précisément le document dont il avait parlé à Alioscha, comme d’une preuve matérielle de la culpabilité de Dmitri. C’était une lettre que Mitia avait écrite en état d’ivresse à Katherina Ivanovna, le soir de sa rencontre avec Alioscha sur la route du monastère, une lettre incohérente d’ivrogne, La voici :

« Fatale Katia, je trouverai demain de l’argent et je te rendrai tes trois mille roubles. Adieu, femme violente, adieu aussi, mon amour !… Finissons ! Demain, j’irai chez tout le monde chercher de l’argent, et, si je ne réussis pas à m’en procurer par des emprunts, je te donne ma parole d’honneur que j’irai chez mon père, je lui casserai la tête et je prendrai sous son oreiller l’argent aussitôt qu’Ivan sera parti. J’irai au bagne, mais je te rendrai tes trois mille roubles ! Toi, adieu ! Je te salue jusqu’à terre, je suis un misérable auprès de toi ! Pardonne-moi… Non, plutôt ne me pardonne pas. L’avenir nous sera pour tous deux plus facile à supporter, si tu ne pardonnes pas. Je préfère le bagne à ton amour, car j’en aime une autre, une que tu connais trop depuis aujourd’hui… Je tuerai l’homme qui m’a dépouillé et je vous quitterai tous, j’irai en Orient pour ne plus voir personne, elle non plus, car tu n’es pas seule à souffrir. Adieu.

« P. S. Je te maudis, et pourtant je te vénère, je le sens aux battements de mon cœur. Il y reste une corde qui vibre pour toi. Que plutôt il cesse de battre !… Je me tuerai, mais je tuerai d’abord le maudit, je lui arracherai les trois et je te les jetterai. Je serai un misérable ! mais non pas un voleur. Attends les trois mille… Ils sont chez le chien