Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/193

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avec fureur. Ou tu es fou, ou tu t’amuses à m’exaspérer, comme la dernière fois.

Smerdiakov le dévisagea sans manifester aucune crainte. Il était toujours défiant, il croyait toujours qu’Ivan « savait tout » et qu’il feignait d’ignorer pour rejeter sur son complice tout le poids de la culpabilité.

— Attendez un peu, dit-il d’une voix faible.

Il retira de dessous la table son pied gauche et se mit à retrousser son pantalon. Il était chaussé d’un bas blanc très-montant et d’une pantoufle. Sans hâte, il ôta une jarretière, passa la main dans son bas…

Ivan Fédorovitch le suivait du regard, soudain il tressaillit de frayeur.

— Fou ! hurla-t-il.

Il se leva vivement et fit quelques pas en arrière si précipitamment, qu’il se heurta du dos au mur et resta comme cloué sur place, regardant Smerdiakov avec une terreur folle. Celui-ci, toujours impassible, continuait à fouiller dans son bas comme s’il voulait y saisir quelque chose. Enfin, il trouva ce qu’il cherchait : Ivan Fédorovitch l’en vit tirer des papiers, une liasse de papiers que Smerdiakov posa sur la table.

— Voilà, dit-il à voix basse.

— Quoi ?

— Daignez regarder.

Ivan s’approcha de la table, prit la liasse, la déplia… et laissa les papiers tomber de ses doigts comme s’il eût touché quelque reptile dégoûtant et redoutable.

— Vos doigts tremblent toujours, remarqua Smerdiakov ; avez-vous une convulsion ?