Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/223

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constellations. (Nous avons un calcul particulier.) Or, il y en a, parmi les solitaires, qui te valent pour le développement intellectuel, malgré que tu en aies. Ils peuvent concevoir simultanément de tels abîmes de doute et de foi, que, parole ! il me semble parfois qu’il s’en faut d’un cheveu qu’ils soient à nous.

— Et, malgré tout, tu t’en vas toujours avec un nez long d’une aune.

— Mon ami, mieux vaut un long nez que pas de nez du tout, comme le disait naguère encore un marquis malade (il devait être soigné par quelque spécialiste) dans sa confession à un Père Jésuite. J’ai tout entendu, c’était charmant. « Rendez-moi mon nez ! » cria-t-il en se frappant la poitrine. « Mon fils, insinuait le pater, toutes choses sont réglées par les desseins de la Providence ; un malheur évident engendre parfois un bonheur caché ! Si les cruautés du sort vous ont privé de votre nez, consolez-vous en pensant que personne ne pourra jamais vous dire que vous l’avez trop long… »

— Fi ! que c’est bête !

— Mon ami, je voulais te faire rire… Vois-tu, il n’y a rien de tel pour vous distraire des ennuis de la vie que ces petites boîtes surnommées par les Jésuites des confessionnaux. Voici une historiette toute récente. Arrive chez un vieux pater une petite blonde, une Normande, une jeune fille de vingt ans. Quelle beauté ! Un corps !… Ça faisait venir l’eau à la bouche. Elle s’agenouille et murmure son péché dans le guichet du pater. « Que dites-vous là, ma fille ? Vous êtes retombée encore une fois ! s’écrie le pater. O sancta Maria ! qu’entends-je ? Et déjà plus avec le