Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/238

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Enfin le président ouvrit la séance et ordonna d’introduire l’accusé. Il se fit un grand silence. Mitia produisit une impression défavorable. Il se présenta en gentleman, habillé de neuf, ganté, un linge éblouissant de blancheur. Il entra, roide, marchant à grands pas, et s’assit avec un calme imperturbable. Aussitôt après lui parut son défenseur, le célèbre Fetioukovitch. Une rumeur sourde parcourut la salle. C’était un homme long, sec, avec de grandes jambes fluettes, des doigts pâles et effilés ; le visage glabre, les cheveux courts ; ses lèvres minces étaient plissées par un sourire sardonique ; la physionomie eût été agréable sans les yeux, qui manquaient d’expression et étaient très rapprochés l’un de l’autre. Il y avait de l’oiseau dans cet homme. Il portait le frac et la cravate blanche.

On donna lecture de la liste des témoins. La nouvelle de la mort de Smerdiakov fit sensation.

— À chien mort de chien ! s’écria Mitia.

Son défenseur se jeta aussitôt vers lui pour le faire taire ; le président le menaça de prendre des mesures sévères à sa première incartade.

Ce petit épisode n’était pas de nature à lui concilier la bienveillance du public.

On lut l’acte d’accusation, puis on procéda à l’interrogatoire de l’accusé.

— Accusé, vous reconnaissez-vous coupable ? Mitia se leva.

— Je me reconnais coupable d’ivresse, de débauche et de paresse. Je voulais m’amender à l’heure même où la destinée m’a frappé. Quant à la mort du vieillard qui fut mon ennemi et mon père, je n’en suis point coupable. Je ne