Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/241

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Grigori se taisait toujours. Un nouveau rire parcourut l’assistance. Le président fit un mouvement.

— Ne pourriez-vous me dire, reprit Fetioukovitch, si vous étiez « en train de reposer » quand vous avez vu la porte du jardin ouverte ?

— Non, j’étais sur mes jambes.

— Cela ne me prouve pas que, même sur vos jambes, vous ne fussiez pas « en train de reposer ».

(Un nouveau rire.)

— Auriez-vous pu, à ce moment-là, si quelqu’un vous l’avait demandé, dire dans quelle année nous sommes ? Au fait, en quelle année sommes-nous, depuis, bien entendu la naissance de Jésus-Christ ? Le savez-vous ?

Grigori était intimidé et regardait fixement son bourreau. Cela peut paraître étrange, mais il ne savait pas « en quelle année nous sommes ».

— Au moins, pourriez-vous me dire combien vous avez de doigts aux mains ?

— Je suis un humble, dit tout à coup Grigori d’un ton net, et s’il plaît aux autorités de se moquer de moi, je dois le supporter.

Fetioukovitch demeura un peu déconcerté. Le président l’invita à faire des questions plus étroitement liées à l’affaire. Le but du défenseur — dont le système général consistait à discréditer la valeur des témoins à charge — n’en était pas moins atteint. Il procéda tout aussi adroitement avec le témoin Rakitine. (Il est à noter qu’en trois jours, Fetioukovitch s’était mis au fait du caractère de chacun des témoins.) Rakitine, qui avait fait une étude du milieu où étaient nés des types tels que les Karamazov,