Aller au contenu

Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Toujours la même chose ! interrompit-il tout à coup d’un air fatigué. Je n’ai rien à dire aux juges.

— Je vois que vous êtes indisposé, reprit le président.

Il consulta le procureur et le défenseur pour leur demander s’il avaient des questions à faire au témoin. Tout à coup, Ivan dit, de sa voix brisée :

— Permettez-moi de me retirer, Votre Excellence. Je ne suis pas bien.

Là-dessus, sans attendre l’autorisation, il se retourna et se dirigea vers la sortie. Mais après avoir fait quelques pas, il s’arrêta, parut réfléchir, sourit et revint à sa place.

— Voilà, dit-il en tirant de sa poche une liasse de billets de banque, voilà l’argent : c’est le même qui était dans cette enveloppe. (Il la désignait parmi les pièces à conviction.) C’est celui pour lequel on a tué mon père. Où faut-il le déposer ? Monsieur l’huissier, veuillez le remettre à Son Excellence.

L’huissier prit la liasse et la donna au président.

— Comment cet argent peut-il être entre vos mains, si c’est bien le même ? demanda le président étonné.

— Je l’ai reçu de Smerdiakov, de l’assassin, hier. J’étais chez lui avant qu’il se pendît. C’est lui qui a tué mon père. Ce n’est pas Dmitri. C’est lui qui a tué, c’est moi qui l’y ai poussé. Qui ne désire pas la mort de son père ?

— Avez-vous… votre raison ?

— Parfaitement… j’ai toute ma présence d’esprit, de cet esprit vil, comme le vôtre, comme celui de tous ces museaux ! Ils ont tué leurs pères et feignent la terreur !… dit-il avec dégoût et en grinçant des dents. Les menteurs ! Tous désirent la mort de leurs pères ! Un reptile dévore