Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/254

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Ne faites pas attention, c’est un tout petit diable, ajoutat-il sur un ton de confidence, en cessant de rire. Il doit être quelque part ici, sous la table des pièces à conviction. Où serait-il, sinon là ? Écoutez-moi ! Je lui ai dit : « Je ne veux pas me taire ! » et il me répond de cataclysmes géologiques ! Sottises ! Mettez le fauve en liberté… Il a chanté son hymne ; il le pouvait, lui, il a le cœur léger ! Moi, pour deux secondes de joie je donnerais un quatrillion de quatrillions ! Vous ne me connaissez pas… Oh ! que tout est bête parmi vous ! Eh bien ! saisissez-moi donc à sa place ! Je ne suis pas venu ici pour rien… Pourquoi tout ce qui existe est-il si bête !…

Il se tut et regarda la salle, très-absorbé. Tout le monde était ému, Alioscha courait vers Ivan, mais l’huissier l’avait déjà saisi par le bras.

— Qu’est-ce encore ? s’écria Ivan Fédorovitch et regardant fixement le visage de l’huissier.

Et tout à coup il le prit par les épaules et le renversa par terre. Les soldats de service au tribunal accoururent et s’emparèrent d’Ivan. Il se mit à hurler de toutes ses forces, on l’emporta sans parvenir à le faire taire.

Une grande agitation régnait dans la salle, et le public n’était pas encore calmé, quand à cette scène une autre succéda. Katherina Ivanovna avait une crise de nerfs.

Elle pleurait et sanglotait avec violence, sans vouloir s’en aller ; elle suppliait qu’on lui permît de rester. Tout à coup, elle cria au président :

— J’ai encore quelque chose à dire, tout de suite ! tout de suite ! Voici un papier, une lettre… Lisez vite ! C’est la lettre du fauve, celui-là ! celui-là ! criait-elle, en désignant