Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/290

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Les dernières paroles de Katia impliquaient une sorte de provocation, mais Alioscha ne la releva pas.

— C’est pour cela que je vous ai fait venir aujourd’hui, pour que vous me promettiez de le convaincre. Mais peut-être jugez-vous qu’il serait malhonnête, médiocre, de s’évader, peut-être encore… pas chrétien ? dit Katia en accentuant sa provocation.

— Non… rien… je lui dirai tout… murmura Alioscha. Il vous prie de venir aujourd’hui, dit-il tout à coup en la regardant en face.

Elle tressaillit et fit un mouvement en arrière.

— Moi ! est-ce possible ? fit-elle en pâlissant.

— C’est possible et c’est nécessaire, dit Alioscha d’un ton ferme. Il a plus que jamais besoin de vous. Je ne vous aurais pas parlé de cela, je ne vous aurais pas causé cette souffrance sans nécessité. Il est malade, il est comme fou, il vous demande. Ce n’est pas une réconciliation qu’il veut : montrez-vous seulement sur le seuil de sa cellule. Il comprend combien il est coupable envers vous. Il ne vous demandera pas votre pardon : « On ne peut pas me pardonner », dit-il lui-même. Il veut seulement vous voir sur le seuil de sa cellule.

— Vous… comme cela, tout à coup… murmura Katia. Je pressentais depuis longtemps que vous viendriez me demander cela… Je savais bien qu’il m’appellerait… C’est impossible.

— Soit, impossible, mais vous le ferez ; souvenez-vous que c’est la première fois qu’il a le remords de tout le mal qu’il vous a fait, la première fois, car, jusqu’à ce jour, il ne pouvait même comprendre toute la profondeur de ce mal.