Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/333

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Madame Khokhiakov fit un grand geste pathétique ; mais elle fut tout à coup déconcertée par une nouvelle fusée de rire de Liza, le rire le plus frais, le plus franc et aussi le plus impertinent du monde.

— D’ailleurs, je ne suis pas venue pour vous parler de cela. Liza rit toujours, c’est bien ; les choses iront comme il plaira à Dieu !… C’est de vous, Alexey Fédorovitch, que je voulais vous parler.

— Non, non, fit Alioscha avec un doux sourire, parlons de Liza, et je vous prie, laissez-moi m’approcher d’elle jusqu’au seuil, que je puisse la voir.

— À la bonne heure ! s’écria Liza, d’une voix gaie toujours et pourtant mouillée de larmes.

Alioscha s’avança jusqu’au seuil du corridor et aperçut dans l’ombre la jeune fille.

— Bonjour, Liza, bonjour ma chère !

— « Ma chère ! » Il ose me dire « Ma chère !… »

— Et pourquoi pas, Liza ? Avez-vous oublié que je vous aime ?

— Si vous m’aimiez, auriez-vous fait cela ? Non, je n’existe pas pour vous, vous ne m’aimez pas, vous ne m’avez jamais aimée.

— Liza !… c’est mal, je vous avais pourtant dit que, dans les affaires graves, je ne consulterais que ma conscience.

— Oui, c’est vrai, c’est vrai… je suis une sotte, mais je vous aime, Alexey ! Qu’allez-vous, qu’allons-nous devenir ? mon Dieu !

Elle pleurait.

— Tranquillise-toi, Liza : je traverserai victorieusement cette épreuve…