Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/59

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— Eh bien, pourquoi pas ? Mettons qu’on l’ait fouetté ! dit-il en riant.

— Je ne dis pas qu’on m’ait fouetté, dit tout à coup Maximov, mais… comme ça…

— Comment ? on t’a fouetté, ou l’on ne t’a pas fouetté !

— Quelle heure est-il, pane ? demanda d’un air d’ennui le pane à la pipe au pane aux grandes jambes.

Celui-ci haussa les épaules : ni l’un ni l’autre n’avaient de montre.

— Mais laissez donc parler ! Est-ce une raison, parce que vous vous ennuyez, pour que tout le monde se taise ? s’écria de nouveau Grouschegnka.

Le pane répondit cette fois avec une visible irritation :

— Panie, je ne contredis personne.

— C’est bien ! continue, Maximov !

— Mais il n’y a rien à dire, ce sont des bêtises, dit Maximov. D’ailleurs, chez Gogol, tout cela est allégorique, ses noms sont tous inventés…

— Mais pourquoi t’a-t-on fouetté ? criait Kalganov.

— À cause de Piron, répondit Maximov.

— Quoi ? Piron ! dit Mitia.

— Mais oui, le célèbre écrivain français, Piron. Nous avions bu, en bonne compagnie, dans un traktir, lors de cette foire, vous savez… On m’avait invité, et moi je débutai par des épigrammes. On s’offensa. Je me mis à leur conter comment Piron, ayant été refusé par l’Académie française, inscrivit cette épitaphe sur sa tombe :

Cy gît Piron qui ne fut rien,
Pas même académicien.