Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/155

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soit celui-ci ou celui-là qui l’ait tiré par les cheveux, pour lui n’est-ce pas la même chose ? dit-elle en riant.

— Partons, dit Chatoff qui me saisit soudain le bras, — la grand’porte vient de s’ouvrir ; s’il nous trouve ici, il la rossera.

Nous n’avions pas encore eu le temps de monter l’escalier que, sous la porte cochère, se fit entendre un cri d’ivrogne, suivi de mille imprécations. Chatoff me poussa dans son logement, dont il ferma la porte.

— Il faut que vous restiez ici une minute, si vous ne voulez pas qu’il y ait une histoire. Il crie comme un cochon de lait, sans doute il aura encore bronché sur le seuil ; chaque fois il pique un plat ventre.

Pourtant les choses ne se passèrent pas sans « histoire ».

VI

Debout près de sa porte fermée, Chatoff prêtait l’oreille ; tout à coup il fit un saut en arrière.

— Il vient ici, je m’en doutais ! murmura-t-il avec rage, — à présent nous n’en serons pas débarrassé avant minuit.

Bientôt retentirent plusieurs coups de poing assénés contre la porte.

— Chatoff, Chatoff, ouvre ! commença à crier le capitaine, — Chatoff, mon ami !…

_Je suis venu te saluer,_ _Te r-raconter que le soleil est levé,_ _Que sous sa br-r-rûlante lumière_ _Le… bois… commence à tr-r-rssaillir ; _ _Te raconter que je me suis éveillé, le diable t’emporte ! _ _Que je me suis éveillé sous la feuillée…_

— Chatoff, comprends-tu qu’il fait bon vivre en ce bas monde ?

Ne répondez pas, me dit tout bas Chatoff.