Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/18

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à présent ! Elle vous salue. Son jeune mari et ses trois neveux sont à Berlin. Je passe les soirées avec la jeunesse, nous causons jusqu’au lever du jour. Ce sont presque des soirées athéniennes, mais seulement au point de vue de la délicatesse et de l’élégance. Tout y est noble : on fait de la musique, on rêve la rénovation de l’humanité, on s’entretient de la beauté éternelle… » etc., etc.

— Ce ne sont que des contes à dormir debout ! décida Barbara Pétrovna en serrant cette lettre dans sa cassette, — si les soirées athéniennes se prolongent jusqu’au lever du jour, il ne donne pas douze heures au travail. Était-il ivre quand il a écrit cela ? Et cette Doundasoff, comment ose-t-elle m’envoyer des saluts ? Du reste, qu’il se promène !

Mais il ne se promena pas longtemps ; au bout de quatre mois il n’y tint plus et raccourut en toute hâte à Skvorechniki. Certains hommes sont aussi attachés à leur niche que les chiens d’appartement.

VII

Dès lors commença une période d’accalmie qui dura près de neuf années consécutives. Les explosions nerveuses et les sanglots sur mon épaule se reproduisaient à intervalles réguliers sans altérer notre bonheur. Je m’étonne que Stépan Trophimovitch n’ait pas pris du ventre à cette époque. Son nez seulement rougit un peu, ce qui ajouta à la débonnaireté de sa physionomie. Peu à peu se forma autour de lui un cercle d’amis qui, du reste, ne fut jamais bien nombreux. Quoique Barbara Pétrovna ne s’occupât guère de nous, néanmoins nous la reconnaissions tous pour notre patronne. Après la leçon reçue à Pétersbourg, elle s’était fixée définitivement en province ; l’hiver elle habitait sa maison de ville, l’été son domaine suburbain. Jamais elle ne