Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

endait pas avant un mois, cet événement, dans les conjonctures présentes, semblait un véritable coup de la fatalité. Le capitaine lui-même s’arrêta, comme pétrifié, au milieu de la chambre, et resta bouche béante, regardant la porte d’un air extrêmement bête.

Dans la pièce voisine retentirent des pas légers et rapides, puis quelqu’un fit brusquement irruption dans le salon, mais ce n’était pas Nicolas Vsévolodovitch.

V

Je demande la permission de décrire en quelques mots ce visiteur inattendu. C’était un jeune homme de vingt-sept ans environ, d’une taille un peu au-dessus de la moyenne, aux cheveux blonds, clairsemés et assez longs, avec un soupçon de moustaches et de barbiche. Il était vêtu proprement et même à la mode, mais sans recherche. À première vue, il paraissait voûté et lent dans ses mouvements, quoiqu’il ne fût ni l’un ni l’autre. Il avait aussi un faux air d’excentrique ; pourtant, quand on le connut chez nous, on fut unanime à trouver ses manières très convenables et son langage des plus sérieux.

Personne ne le disait laid, mais sa figure ne plaisait à personne. Sa tête était allongée vers la nuque et comme aplatie sur les côtés, disposition qui prêtait à son visage quelque chose d’anguleux. Il avait le front haut et étroit, l’œil perçant, le nez petit et pointu, les lèvres longues et minces. Avec le pli sec qui se remarquait sur ses joues et autour de ses pommettes, il donnait l’impression d’un convalescent à peine remis d’une maladie grave, mais ce n’était qu’une apparence : en réalité, il se portait à merveille et n’avait même jamais été malade.

Sans être pressé, il marchait précipitamment. Il semblait