Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/194

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fille lui tendait avec un gai sourire. — À ce qu’il me semble, la très honorée Prascovie Ivanovna n’a pas oublié non plus son « professeur », et même elle n’est pas fâchée contre lui, comme elle l’était toujours en Suisse. Mais ici comment vont vos jambes, Prascovie Ivanovna ? Les médecins suisses ont-ils eu raison de vous ordonner l’air natal ?… Comment ? Des épithèmes liquides ? Ce doit être fort bon. Mais combien j’ai regretté, Barbara Pétrovna, poursuivit-il en s’adressant de nouveau à la maîtresse de la maison, — combien j’ai regretté de n’avoir pu me rencontrer avec vous à l’étranger pour vous offrir personnellement l’hommage de mon respect ! De plus, j’avais tant de choses à vous communiquer… J’ai bien écrit à mon vieux, mais sans doute, selon son habitude, il…

— Pétroucha ! s’écria Stépan Trophimovitch qui, sortant soudain de sa stupeur, frappa ses mains l’une contre l’autre et courut à son fils. — Pierre, mon enfant, je ne te reconnaissais pas !

Il le serrait dans ses bras, et des larmes coulaient de ses yeux.

— Allons, ne fais pas de sottises, ces gestes sont inutiles ; allons, assez, assez, je te prie, murmurait Pétroucha en cherchant à se dégager.

— Toujours, toujours j’ai été coupable envers toi !

— Allons, assez ; nous parlerons de cela plus tard. Je m’en doutais, que tu ferais des enfantillages. Allons, sois un peu plus raisonnable, je te prie.

— Mais je ne t’ai pas vu depuis dix ans !

— C’est une raison pour être moins démonstratif…

— Mon enfant !

— Eh bien, je crois à ton affection, j’y crois, mais ôte tes mains. Tu vois bien que tu gênes les autres… Ah ! voilà Nicolas Vsévolodovitch ; tâche donc de te tenir tranquille à la fin, je te prie !

Nicolas Vsévolodovitch venait, en effet, d’arriver ; il entra sans bruit, et, avant de pénétrer dans la chambre, promena un regard tranquille sur toute la s