Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/257

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il les repoussera et vous abouchera avec son témoin, — il sera alors onze heures, je suppose. Vous confèrerez avec ce témoin, et, à une heure ou à deux heures, tout le monde pourra se trouver sur le terrain. Je vous en prie, tâchez d’arranger les choses de la sorte. L’arme sera, naturellement, le pistolet. Les deux barrières seront séparées par un espace de dix pas, vous placerez chacun de nous à dix pas de sa barrière, et, au signal donné, nous marcherons l’un contre l’autre. Chacun devra nécessairement s’avancer jusqu’à sa barrière, mais il pourra tirer avant d’y être arrivé. Voilà tout, je pense.

— Dix pas entre les deux barrières, c’est une bien petite distance, objecta Kiriloff.

— Allons, mettons-en douze, mais pas plus, vous comprenez qu’il veut un duel sérieux. Vous savez charger un pistolet ?

— Oui. J’ai des pistolets ; je donnerai ma parole que vous ne vous en êtes pas servi. Son témoin en fera autant pour ceux qu’il aura apportés, et le sort décidera avec quelle paire de pistolets on se battra.

— Très bien.

— Voulez-vous voir mes pistolets ?

— Soit.

La malle de Kiriloff était dans un coin, il ne l’avait pas encore défaite, mais il en retirait ses affaires au fur et à mesure qu’il en avait besoin.

L’ingénieur y prit une boîte en bois de palmier, capitonnée de velours à l’intérieur, et contenant une paire de pistolets superbes.

— Tout est là : poudre, balles, cartouches. J’ai aussi un revolver ; attendez.

Il fouilla de nouveau dans sa malle et en sortit une autre boîte qui renfermait un revolver américain à six coups.

— Vous n’avez pas mal d’armes, et elles sont d’une grande valeur.

— D’une grande valeur.

Pauvre, presque indigent, Kiriloff, qui, du reste, ne s’